Je sors de ces draps poissés par l'amour
La pièce pue nos deux corps amoureux et le tabac froid...
Le tourne-disque éteint ce silence qui fait peur...
Chostakovitch joue des choses qui me font pleurer
Le café est froid, je le bois et je te contemple
Tu dors et ton cul et ton dos sont ceux d'un peintre
Ou mieux encore, d'un sculpteur grec
C'est Phidias qui a fait ce corps
Phidias a fait ton corps que j'aime regarder
J'ai envie de pleurer encore, il ne faut pas s'arrêter
Il ne faut pas s'arrêter de vivre et les larmes c'est la vie
Mes peines lacrymales et ce café pourri et toi qui dors
Quoi dire de cette beauté, de cette négation de la laideur
J'aimerai que tu ne te réveilles jamais
Que tu demeures ainsi endormie, cristallisée à tout jamais
Je t'aime, j'aime ce café âcre, j'aime ma douleur et j'aime cette musique
Ma douleur vient de ce que la vie est belle et mortifère
Mon café a des odeurs de peine et des saveurs de solitude
Ma douleur est sempiternelle et jaillit de mes yeux telle la pluie
Ton cul et ton dos sont des choses admirables
Je t'aime, et c'est ainsi que la vie doit aller
Il me faut t'aimer et me consumer avant que tu ne partes
Mon Dieu faites que je meurs ! que je meurs avant cette femme !
Je ne veux pas voir des choses qui meurent
Les fleurs se fanent et je ne veux pas les voir
Ton cul et ton dos un jour se faneront et je ne veux pas les voir
Je veux mourir de t'avoir trop aimé
Et je veux que tu meurs ensuite de m'avoir fait mourir d'amour
Chostakovitch ne t'arrête jamais de jouer !
Ta complainte m'est si douce
Il ne faut pas que tu t'éveilles en cette matinée cassée
Le matin est cassé, le ciel est gris comme les cheveux de ma mère
Mes poumons sont gris eux aussi, comme ce ciel chargé d'écumes qui veulent tomber
Il faut que tu dormes, que tu dormes encore
Cette nuit, mon amie, j'ai vu que ton visage portait déjà des rides
Déjà ! ainsi tu vieillis, tu es une chose admirable qui vieillit
Je ne veux pourtant pas que tu te fanes
Pas avant que je ne rejoigne les hirondelles
Pas avant que nous nous consumions pendant dix mille nuits
Pas avant que le feu de tes reins n'embrase ma bouche
Tu viens de bouger, tu émets quelque gémissement douteux
Non ne te réveilles pas... Tu as froid sans doute.
Je m'en viens vite te couvrir car il ne faut pas que tu te réveilles mon amie.