Sur les fenêtres du crâne...
Des fémurs et des guirlandes pour décor
Des cortèges sans visage quand fanfarent les cors
La musique morte gravée sur vinyle
Et des milliers de sanglots qui défilent
Les lampadaires teintés s'allument au chant du coq
Au carnaval des nazgûls s'offrent des filles de joie
Ils ôtent leurs scapulaires et se défroquent
Et les catins saignent sous leurs caresses de rasoir
Sur les fenêtres du crâne...
Ce sont des anges d'islam qui chantent
Ils ont la voix nasillarde des corbeaux
Des rêves rouges entourent leurs prunelles ardentes
Et du haut des minarets appellent spectres et dévots
Dans des bordels de passe passent et repassent soldatesques
Déposent les armes le temps d'une romance payante
Les guerriers cessent de mugir leur mort lente
Et en artistes s'en vont traînant parfums et fresques
Sur les fenêtres du crâne...
Des alcools de Pologne et des narguilés d'Orient
Les bars gonflent comme les cernes des clients
Et l'encre de Chine coule sur le dos des femmes
Et des Niagaras vernis s'effondrent au-dessus des âmes
Le long des routes errent des vagabonds sans histoire
Ils ont la lumière d'une équinoxe dans le regard
Des vents du sud et de l'ouest dans leurs vieux sacs perforés
Et des écumes des mers dans des godasses déchirées
Sur les fenêtres du crâne...
Les cirques subsistent malgré les âges
Les mioches grandissent et oublient les clowns
Les clowns vieillissent comme les paysages
Comme ces manèges rouillés qui ne valent plus un clou
Il y a des fêtes foraines pour les morts
Avec de grandes portes sans gonds qui ne ferment jamais
Enfants brûlés et mutilés de guerre adorent
Manger des bonbecs et jouer sans arrêt
Sur les fenêtres du crâne...
Les amours brisés sur les quais de gare
Echarpes rouges font des noeuds aux nuages
Fiancées et amants se rencontrent sur les plages
Se prennent dans les goémons et s'y laissent choir
De vieux ventrus et sales aiment de petites exquises
Les ingénues ont de longs cheveux qui se perdent dans la brise
Frangrances et mascara fondent toutes les nuits
Autant que brûle inexorablement la cire des bougies
Sur les fenêtres du crâne...
L'amour reflète sur prisme des couleurs froides
Les beautés slaves sont cristallisées sur papier glace
Une blondeur de l'est me rend blême et roide
Après que mon corps de cuivre l'eut baisé sans relâche
Toujours l'amour, ce tyran qui nous rend beau
Qui nous fait tant souffrir dans la pureté des choses
Eh bien qu'il nous unisse au milieu des squelettes en lambeaux
Et dans une église crasseuse qu'il nous offre des roses
Sur les fenêtres du crâne...
Les gueules cassées recherchent l'âme-soeur
Avec leur tête défoncée et leurs omoplates troués
Et les deux balles logées juste à côté de leur coeur
Ils sont des fous qui rêvent d'un doux visage à caresser
Moi, je suis comme eux, ces forçats de la misère
Ils nous ont volés notre histoire et nos âmes
Je n'ai plus que toi, mais si demain tu prends la mer
Alors ouvre ma fenêtre et flanque-moi une balle dans le crâne