Paris est en train d'crever
C'est la nuit qui n'en finit pas d'sombrer
Crevez tous !
Vous rêveurs, vous âmes de coquelicot, tout ça, crevez !
Ne venez pas m'sauver la peau
Je suis damné jusqu'aux os
Et puis quoi
Déjà je voulais vous voir mort
Quand le cul d'la lune dardait d'aplomb sur ma figure
Cette putain d'ville est en train d'pourrir
Ses trottoirs ont autant d'rides qu'un vieillard glacé
Et tout ces monuments qui crépitent autant qu'un bon vinyle
Et cette Tour Eiffel qui tremble comme un paraplégique
J'en ai trop vu, comme si j'avais vécu huit siècles
Dans mes veines coulent les immondices de Paris
Et mon coeur qui tonitrue comme le clocher d'une cathédrale
Et ma voix qui lâche les râles d'un temps déjà révolu
Et mes deux yeux, le gauche est celui de Smarr et le droit celui de Snor
Je contemple la pourriture des beaux endroits
Les chandelles éteintes, les chandails troués, et les chancres des fleurs fanées
Les floraisons moites, les chemins de fer, les toits en tôle rouillée
Tout cela ne vaut pas ta beauté sale putain
Avec tes cheveux chatains qui déferlent sur tes épaules de satin
Avec cette cigarette qui est faite pour ta bouche
Avec cette culotte trempée que tu portes et qui me porte au trouble
Tout Paris ne vaut pas ta beauté sale putain
L'amour est mort, l'amour est mort et moi je t'aime
J'aimerais te crever comme un soleil perforant la nuit
Te baiser sur le dos rugueux d'une éclipse
T'embrasser comme la neige s'affalant sur les routes
T'enlacer comme un manteau qui protège du froid
Te caresser comme Debussy jouant du piano
Et te contempler comme le tableau d'un peintre mort
Dans ce Paris décomposé, il y a toi
Et sur ton corps j'aurai le temps de réinventer la poésie
Je fabriquerai des fiacres qui rouleront jusqu'à Rouen
Je foutrai des étoiles dans mon fusil et j'les tirerai dans le ciel
Et dans mon atelier, je sculpterai ton cul comme ceux des grecs
Je te composerai des bouquets d'ampoules que tu allumeras chaque matin
Dans ce Paris décomposé, je pourrais être le maître du monde
Je pourrais être le maître du monde, mais je n'suis rien
Parce que tu as déserté et que tout se crève
Que les fiacres ici ne sont que des caisses de merde
Que mon fusil ne contient que des balles pour s'foutre en l'air
Et avec quoi sculpterais-je ? La fiente des chiens ?
Dans ce Paris décomposé, je n'suis rien, rien...
Paris se meurt, je suis dedans, tu es ailleurs
Il y a des boîtes de conserve mortes qui me font de l'oeil
Et je parle à des mannequins en plastique derrière des vitrines absurdes
Je fume ce que j'trouve, ça pourrait être du cyanure que j'm'en foutrai pas mal
J'ai des aiguilles dans les yeux, mes paupières me pèsent
C'est dans la mort lente que la capitale s'endort
Et tous les rêveurs, les âmes de coquelicots, tout ça, qu'ils crèvent !
Qu'ils crèvent tous étranglés par leurs chimères
Qu'ils crèvent tous et qu'ils aillent fertiliser les caniveaux de Paris
Afin que renaisse la plus belle cité du monde
Ce Paris qui n'en finit pas de crever
Au rythme sourd de cette foutu nuit qui n'en finit pas d'sombrer...